Les enfants, vous êtes en photo dans le journal !

...dans Voiles et Voiliers du mois de janvier 2008.
Merci aux collègues Caro et Jean-Louis de nous avoir transmis ce petit article !

Le Cap Vert – La Martinique, 2080 miles (30 décembre – 16 janvier)






Sur notre petite coque plastique, nous avons repris notre vie proche de la nature, où l’organisation de notre journée, notre humeur et l’avancée de notre projet dépendent du vent ! Théoriquement, les alizés sont bien établis au mois de janvier, particulièrement en partant du Cap Vert à une latitude de 16° Nord. En pratique, après 1000 premiers miles parcourus sur un rythme soutenu pour Emilie, la 2ème partie fût beaucoup plus laborieuse, tout simplement en panne de vent.
C’est quelque peu frustrant mais comme le dit un sage marin : «En mer, on sait quand on part mais on ne sait jamais quand on va arriver ».
La transat’ est tout d’abord une expérience humaine : apprécier dans la durée des journées qui se suivent et se ressemblent, dans un même décor, les mêmes équipiers, ou seul face à l’immensité de la mer. Ce n’est pas un exercice très naturel mais on arrive à y puiser une certaine tranquillité d’esprit quand ce dernier a l’habitude d’être encombré de mille vicissitudes.

La beauté de la nature...

La navigation est bien plus simple que celle qui doit être suivie de près par le skipper en Manche ou en Bretagne. Pas de calculs savants de marée, ni de cailloux à éviter. Juste bien régler ses voiles, optimiser cap et vitesse (quitte à s’écarter d’une vingtaine de degrés de la route directe), recueillir quelques fichiers météo pour ne pas être surpris par le mauvais temps.
En vent arrière, le génois est tangonné en ciseaux avec la grand voile, dotée d’une retenue de bôme. On a aussi essayé ginaker et génois en papillon, assez efficace quand la mer est calme.
La navigation au grand large permet l’utilisation « d’équipiers techniques », qui se révèlent très utiles, vu notre équipage réduit : notre précieux pilote automatique Furuno que nous utilisons de pair avec le moteur et le régulateur d’allure, qui a l’avantage de ne consommer aucune énergie. Il tient une allure plutôt qu’un cap et doit être contrôlé & réglé quand le vent tourne. Il a barré de très nombreuses heures à notre place, c’est vraiment notre copain ! En 17 jours, nous avons croisé 2 cargos et vu aucun bateau à voile… l’Océan est vaste !















Notre copain, le régulateur d'allure


Peu de présence humaine au bout de notre longue vue donc, mais une autre sorte de faune : pendant ces deux semaines, nous avons croisé des meutes de poissons volants. Ils filent à la surface de l’eau à une vitesse prodigieuse. La nuit, malheureusement pour eux, certains viennent s’échouer sur le pont du bateau, après un choc violent contre une voile, le taud ou tout ce qui peut s’élever invisible à leurs yeux dans l’obscurité. Quand on barre ou vient veiller, on a toujours la crainte de s’en prendre un en pleine tête… ils sont très rapides et certains atteignent la taille d’une bonne grosse sardine ! On dit qu’Eric Tabarly naviguait dans les alizés avec un casque intégral pour éviter un « accident de poisson-volant », sur un Pen Duick ou autre bateau certainement bien plus rapide qu’Emilie !

Les enfants, ces poissons sont comestibles mais on ne les mange pas car ils ne sont pas très bons et bourrés d'arrêtes. En plus, la plupart du temps, on les trouve morts et séchés par le soleil le lendemain matin, donc plus très frais.


Remarquez ces étranges ailes !

On a côtoyé aussi d'autres animaux au cours de cette traversée : à plus de 600 Km du Cap Vert, on a hébergé un oiseau qui semblait perdu et épuisé. On a tenté de le nourrir et de l’abreuver sans succès. Il a survécu et s’est envolé le lendemain matin. Il est toujours étonnant de voir des oiseaux jusqu’au milieu de l’Atlantique… quelle énergie et quelle autonomie ! Un autre passager clandestin s’est posé sur Emilie et a vécu 4 jours avec nous, on a eu le temps de le surnommer « Pouic Pouic ». Il semblait épuisé et vieux... Au début on le logeait dans le cockpit pour qu’il puisse repartir en mer quand il le souhaitait mais régulièrement, surtout la nuit, on le retrouvait sous l'escalier de la descente. On lui a posé une assiette avec de l'eau et du pain, auquel il ne touchait pas… Au 4ème jour, il retrouvait le paradis des oiseaux… et on s’est sentis « bêtes » et tout orphelins !







Pouic Pouic aux pattes palmées !





Le dernier jour de la traversée, l’excitation monte… et c’est à celui qui verra la Terre en premier… Nicolas, bien sûr, vue la myopie façon taupe de Séverine, malgré ses lentilles de contact ! Qu’il devient alors jouissif de barrer avec quelque chose à regarder devant soi !!
A notre arrivée, très bon accueil de l’équipe de la capitainerie du Marin, qui nous ont trouvé une petit place au ponton, où nous avons passé quelques jours nécessaires à la maintenance d’Emilie… puis direction Saint-Anne à la sortie du port pour un mouillage très agréable au beau milieu d’une eau claire et turquoise… On va peut-être commencer à vous faire rêver !








Le mouillage de Saint-Anne, petite station balnéaire




Après 4 jours de "bichonnage", tout va bien pour Emilie... dans une eau à 27° !




En face de nous, plages et cocotiers... et le Club Med !







Et déjà de nombreuses rencontres hétéroclites en 2007 !

Et oui, 2007 fût déjà riche en rencontres de personnalités peu banales, à l’occasion de diverses escales, et l’espace d’un moment…

A La Coruna (Espagne), Jim et Jane et leur chat ( !), viennent du sud de l’Angleterre, ont démissionné de leur travail dans l’informatique et vivent sans trop de moyen sur leur bateau « Ruddles »… et dans ce port depuis 2 ans ! Ils nous ont été d’une aide précieuse dans la recherche de shipchandlers abordables pour réparer Emilie. Egalement à noter une discussion avec Jim sur les pompes de cale : on lui fait part de nos ennuis concernant l’évacuation de l’eau dans le fond de notre bateau. Car malgré une pompe de cale efficace, le tuyau est trop grand et l’eau revient sans cesse dans le puit de cale ce qui fait remonter le flotteur-contacteur, redémarrer la pompe et consomme de l’énergie. On pense donc à plusieurs solutions tel qu’un clapet (déjà tenté mais vite été hors d’usage, peut-être à cause du gasoil…), un siphon, un anti-siphon (avec quelle hauteur de col de cygne ?), etc. Jim nous dessine alors son bateau et commence à noter sur le dessin l’emplacement d’une dizaine de pompes-de-cale ! Il en a installé partout avec différentes sources d’alimentation électrique pour encore plus de sécurité. On est tombé sur Monsieur « pompe-de-cale » qui nous trouve un peu « légers » avec une unique pompe à bord. La discussion a continué sur le fonctionnement d’un anti-siphon tenté sur Emilie mais qui n’a jamais fonctionné. Nous nous contentons donc pour l’instant d’une pompe avec un clapet, déjà remplacé 2 fois. Le siphon ou l’anti-siphon devrait être plus sûr mais pas de place pour faire remonter le col de cygne suffisamment haut, au dessus de la sortie. C’est pompant… quelqu’un a une idée ?!


C’est aussi à La Coruna que nous avons fait connaissance d’Antoine et d’Evangéline, convoyant un gros catamaran destiné à faire du « charter » aux Antilles. Trentenaire, Antoine en est à sa 14ème traversée de l’Atlantique… impressionnant ! Ils vivent également sur leur bateau et de l’organisation de croisières à la découverte des fiords norvégiennes.


A Cascais (Portugal) on a rencontré Johane et Christine, suisses, qui ont fait construire sur plans, le bateau de leur rêve, le bateau « du futur » dans un chantier français : il est en aluminium, a la forme d’une soucoupe volante avec son roof transparent qui recouvre une partie du cockpit. L’intérêt ? C’est le confort de pouvoir veiller la nuit en étant protégé des vagues et embruns, intéressant par gros temps ! Leur monocoque comporte 2 safrans, 2 moteurs électriques (nécessitant cependant un groupe électrogène diesel qui alimente un énorme parc batterie… pas encore très développement durable !), etc. Bref, ils sont destinés à naviguer loin ! Lorsqu’on les a quittés, ils cherchaient une marina pour pouvoir sortir leur voilier de l’eau parce qu’ils ont décelé un vice de fabrication : les safrans sont fissurés… pas de chance, le chantier ne veut pas reconnaître son erreur tant que les safrans ne cassent pas. Nous espérons qu’ils ont trouvé une solution et ont repris la mer.



A Cascais, nous avons retrouvé Antoine et Evangéline sur leur cata qui attendaient une mer moins houleuse pour repartir… et se sont étonnés de nous voir arriver dans des conditions météos un peu sportives. Notre Emilie, petite et fine est suffisamment nerveuse pour bien négocier le passage de bonnes vagues !


Dans le complexe touristique de la marina où les restaurants sont hors de prix mais les bars abordables, nous sommes très bien accueillis dans l’un d’eux par un franco-portugais (zut, je ne retrouve plus son prénom). De retour du Brésil avec sa femme et son fils, il vient d’acquérir ce petit établissement : « le Barlinda » au décor rouge & noir et où nous nous reposons de journées bien chargées dans des canapés zébrés ! C’est kitch et bien sympa de siroter le cocktail du soir en écoutant notre hôte jouer de la guitare. Sa femme Arlinda est photographe et se lance dans la chanson, il nous a donné son CD, très agréable à écouter. Elle est souvent en vadrouille pour faire des expos photos et la promo de son disque. Si vous êtes dans le coin, passez prendre un verre au « Barlinda » !


A Las Palmas (Les Canaries), effervescence ponton 16 où les bateaux se préparent à la grande traversée. Nous rencontrons Lili et Joël, heureux retraités qui viennent d’acquérir un Océanis 45, qui nous donne bien envie pour son confort et sa vitesse de navigation. Egalement Joël et Micha, anciens marins pêcheurs… ils nous racontent cette profession certes bien rémunérée, mais très pénible et visiblement risquée. Joël est accompagné de son fils de 16 ans, Ange, qui s’est formé et a travaillé un mois sur un bateau de pêche… il a décidé de ne pas poursuivre, trop usant, on le comprend, il trouvera bien sa propre voie.

L'heure de l'apéro, c'est sacré !


Juste en face de nous, un couple de suisses a construit son bateau en acier, 10 ans durant, ils tenaient un petit garage et, de l’auto au bateau, maîtrisent particulièrement bien ce matériau. Leur embarcation est un véritable char d’assaut, eux, ils ne risquent pas de sombrer ! Le pont est assez large pour que Joy, leur fille de 5 ans, puisse y promener tout autour sa poupée en poussette ! Joy nous a aussi offert de beaux dessins.


Mark l’australien est venu un jour nous voir et nous a avoué avoir « copié » l’installation de notre précieux régulateur d’allure, équipier magique, un jour où nous nous étions absentés. Nicolas et son père Alain ont en effet mis en place une sorte de rondelle de bois cloutée sur la barre qui permet de réceptionner les cordages… rusé et très efficace ! Mark était tout content de savoir que notre système fonctionnait bien et a décidé d’appeler son régulateur « Nikolas » (prononcer à l’anglaise !). Espérons que cette invention non brevetée lui aura donné toute satisfaction !


Les dessins de Joy !


A Mindelo (Cap Vert), nous retrouvons un couple de retraités croisé à Las Palmas, accompagné de leur petit chien Pitchoune qui monte sérieusement la garde sur le pont (plus mignon qu’effrayant !). Ils naviguent également sur un bateau très confortable, et on peut le comprendre, ils ont fait le pas de faire de leur embarcation leur résidence principale, chapeau !


Chapeau aussi à Alain, également passé au célèbre ponton 16, qui n’a l’usage que d’un seul bras, il est parti seul et « recrute » des équipiers au fil des escales pour un peu d’aide et de compagnie. Apparemment pas toujours facile, la navigation hauturière n’est pas aussi idyllique qu’il n’y paraît, les « bateau-stoppeurs » décident souvent de débarquer à la première occasion et de poursuivre leur voyage en avion. Avec une bonne dose d’humour, Alain a baptisé son bateau « Le Manchot ».


A Mindelo, nous avons aussi rencontré des expatriés français qui se lancent dans le business dans ce pays plein de potentiel, dans le domaine touristique : Sandro et son gîte dans les montagnes de Sao Antao ; puis, un ancien communicant venu de Paris (comme quoi ça mène à tout !) qui a fait construire un bar surplombant Mindelo, aujourd’hui assez couru et dans lequel Césaria Evora a enregistré son dernier tube. Et enfin, 2 bretons, arrivant comme nous à la voile, ont décidé de poser leurs valises et se sont mis en tête de racheter le Club nautique, où nous nous retrouvions tous les soirs, autour de musiciens de talent… ils ont aussi le projet d’acheter un catamaran et de faire du « charter » (là, on y croit moins, vue les rafales de vent dans la baie, la mer houleuse à sa sortie et le peu de jolies criques pour y emmener des touristes…). Bonne chance à eux dans leurs divers projets !


Marcel, retraité suisse, nous aura aussi marqué par son engouement pour la musique locale… toujours au Club nautique, tous les soirs, après le concert « officiel », il prenait sa guitare et chantait le mythique « Let it be », quelle pêche ! Avec un peu plus d’émotion, on a aussi eu droit à « Petit papa Noël », le 25 décembre, ça nous manquait !


A Mindelo, on se souviendra aussi de Carlos et sa famille, des seine-et-marnais (joli département !), venus visiter le Cap Vert (en avion, eux ils sont normaux !), et qui nous ont gentiment pris en auto-stop pour nous ramener à Mindelo, alors que le bus ne passait plus. Nous nous sommes recroisés à plusieurs reprises dans cette petite ville. Nous espérons que leurs vacances en France se sont mieux terminées qu’elles n’ont commencé, et qu’ils ont tous apprécié le dépaysement cap verdien !


Et voici pour nos rencontres 2007, au fil de nos 2 premiers mois de navigation… nous espérons en 2008 pouvoir créer davantage de contacts avec les autochtones… jusque là un exercice difficile avec nos quelques mots d’espagnol, de portugais ou la langue des signes que nous ne maîtrisons pas plus !


Bon vent, bonne navigation à tous sur terre et mer… et à bientôt !