Les réservoirs d’eau douce sont remplis à ras-bord (220 litres), le plein de gasoil est fait (180 litres), la liste des courses est longue. Pour l’électricité, ça se complique, car cette énergie ne se stocke pas très longtemps !
Alors les enfants, comment vit-on au quotidien, sur une coquille de noix, au milieu de la mer ?
On n’a pas le choix, tout ce qui est à notre disposition à terre en abondance, est sur un bateau utilisé avec parcimonie… question de survie, sans en avoir une réelle vocation, on devient bons gestionnaires de nos ressources !
L’eau
Il n’est pas très conseillé de boire l’eau qui stagne dans nos réservoirs. Nous emportons donc des bidons de 8 litres d’eau minérale qui alimentent au fur et à mesure des bouteilles en plastique. Il fait très chaud sous les tropiques et nous ne risquerons pas la dés-hydratation qui met chaos… et se révèle dangereuse en équipage réduit… cette ressource est donc consommée sans modération ! Nous avons prévu 1,5 litres d’eau par jour et par personne.
Les 220 litres d’eau douce servent à toutes les tâches quotidiennes, pour 2 personnes, 3 semaines sans escale… 220 litres, ça va vite…à la maison, le saviez-vous, une douche de 4 à 5 minutes consomme 30 à 80 litres d’eau et un bain 150 à 200 litres.
Vous l’avez compris, lecteur perspicace, pas question pour nous de prendre de douches… pour nous laver, c’est sur le pont, avec un seau d’eau de mer et un gel spécial eau salée. Ca a longtemps été une épreuve quand le temps était gris, puis un plaisir sous un soleil de plomb ! Après cette toilette offerte par la mer, nous avons droit à un mini-jet d’eau douce pour éviter de se gratter toute la journée ! Inutile de vous dire que nous n’avons que de l’eau froide à bord, vous l’aviez deviné ?!
Pour la vaisselle… on peut la faire dans l’évier, comportant 2 bacs : dans le premier, le robinet est alimenté par de l’eau de mer que l’on pompe à l’aide d’une pédale. On y lave donc la vaisselle et la rinçons dans le 2ème bac, alimenté par un robinet d’eau douce.
De même, le ménage se fait par un mixe d’eau salée – eau douce.
Et même la cuisson des pâtes et du riz utilise ce mélange magique : la règle est 1/3 d’eau salée pour 2/3 d’eau douce… autrement, le résultat est immangeable !
Lavage à l'eau de mer
Rinçage à l'eau douce
Certains plaisanciers commencent à s’équiper d’un dessalinisateur, une machine qui reste encombrante et très onéreuse. Elle permet de pomper de l’eau de la mer et de la faire passer à travers un filtre qui retient le sel. Apparemment, ça marche très bien et les propriétaires qui en sont dotés sont très satisfaits : ils peuvent produire jusque 50 litres d’eau douce par heure. Et on l’a goûté, elle est vraiment bonne à boire !
Electricité
Là encore, cette ressource est à consommer avec modération : priorité à la sécurité du bateau et donc aux instruments de navigation du bateau (anémomètre, éclairage du compas, feux de route la nuit, radar en veille, GPS, VHF… et démarrage du moteur).
Le reste est secondaire et relève d’un peu plus de confort à bord : lumière limitée dans le bateau le soir et utilisation de nos lampes frontales ou d’une lampe tempête à l’extérieur, petit réfrigérateur et ordinateur, dont l’utilisation est restreinte quand nécessaire.
En fait, tout dépend de notre production d’énergie ! Nicolas a installé un parc de batteries dont le rôle est de stocker l’électricité produite par notre hydrogénérateur magique. En navigation, on le bascule dans l’eau. Le principe est simple : une hélice est raccordée à une dynamo par l’intermédiaire d’un bras articulé, lui même fixé à l’arrière d’Emilie. Quand on a assez de vent pour faire avancer Emilie à 4 nœuds minimum, on bascule le bras, l’hélice plonge dans l’eau et grâce à la vitesse du bateau elle tourne et fait tourner la dynamo qui est raccordée électriquement aux batteries.
En bref, nous produisons de l’énergie grâce à la force du vent et à l’eau de mer, ressources inépuisables ! Les enfants, je crois que vous étiez intéressés par le fonctionnement de l’éolienne. Elle n’est pas utilisable en navigation. Nous la mettrons en place au mouillage, lorsque nous nous arrêterons dans des criques pour dormir. Nous vous en expliquerons alors comment elle marche.
Le moteur qui tourne au gasoil nous permet aussi de recharger nos batteries, mais d’une manière nettement moins « naturelle » et plus polluante pour l’environnement.
Gasoil
Le gasoil, parlons-en ! Le mode de transport que nous avons choisi pour ce voyage requiert principalement une ressource « renouvelable » à l’infini : le vent !
Nous avons un moteur et des réserves de gasoil mais qui restent limitées par rapport aux distances à parcourir. Par exemple, sur la vingtaine de journées nécessaires à la traversée de l’Atlantique, nous ne pourrions effectuées que 3 jours à l’aide du moteur. En fait, nous le mettons en marche quelques heures lorsque le vent est totalement absent et qu’il est trop énervant de se sentir dériver… En pratique, nous souhaitons comme tous les voileux, avoir à l’utiliser le moins possible… surtout, que notre bon vieux moteur Perkins, qui a une bonne vingtaine d’année comme Emilie, est très consommateur d’huile et « recrachouille » tout cela dans la mer… ce qui est loin d’être exemplaire pour la protection de l’environnement, je vous l’accorde… mais là, il nous était économiquement impossible de le remplacer par un neuf !
Ressources alimentaires
En navigation hauturière et pour garder un équipage motivé dans la durée, il faut tout simplement bien le nourrir ! Encore une fois, à terre, petits et grands commerces sont à notre disposition pour nous ravitailler régulièrement… en fruits et légumes frais par exemple, ce à quoi notre métabolisme est habitué (du moins pour les filles !).
En navigation, le capitaine du bateau demande à ses équipiers de nombreux efforts physiques (et moraux !), que l’on ne soupçonne pas : habituer son corps à un roulis perpétuel et peu naturel, adapter son sommeil aux périodes de quart la nuit et aux mouvements bruyants du bateau, adopter un mode de vie relativement spartiate (fini les grands bains chauds !). Si en plus, l’estomac doit s’adapter à un régime alimentaire très différent de ses habitudes, vous allez droit à la mutinerie !
Alors comment arriver à proposer des plats vitaminés jusqu’au 20ème jour d’une traversée ? Il existe plein d’astuces… tout d’abord, on conservera les fruits et certains légumes dans un filet suspendu où ils seront un minimum « aérés ». On entourera les oranges par exemple d’une feuille de papier aluminium pour une plus longue durée de vie, allant presque jusqu’aux 3 semaines de navigation. Les pommes résistent bien aussi, les bananes sont à déguster assez rapidement, même lorsqu’on les achète vertes. On conservera les légumes les plus fragiles au réfrigérateur (tomates, concombres) et le reste dans le filet (pommes de terre, courgettes, poireaux, carottes, etc.).
Séverine a aussi tenté l’expérience de faire germer des graines de soja… pour en faire une salade… qui ne restera pas dans les annales ! Un conseil : mettre les graines dans une boîte moins haute pour que les tiges se développent davantage en largeur plus qu’elles ne s’allongent en hauteur, histoire d’avoir moins l’impression de manger de l’herbe !
Une autre astuce pour des plats variés et plein d’énergie : les bocaux ! A l’époque de nos grands-mères (et donc de vos arrière grands-mères, les enfants !), les foyers n’étaient pas tous équipés de réfrigérateur et encore moins de congélateur. Les mères (ou pères) de familles conservaient donc leurs plats cuisinés dans des bocaux en verre. Placés ensuite dans une grande cocotte, remplie d’eau bouillante, leur contenu est comme stérilisé et l’air totalement happé. Fermés par un couvercle en verre et un joint en caoutchouc, le pot est « scellé » et peut être conservé ainsi plusieurs mois ! On est très gâtés, Alain (et oui, toujours le papa de Nicolas) et Françoise (la maman de Séverine) nous ont concoctés plus d’une quarantaine de bocaux ! Au menu, bœuf bourguignon, bœuf en daube, jarret de porc aux olives, lapin à la provençale, poulet basquaise, blanquette de veau,… et aussi ratatouille, haricots verts, fondue de poireaux, aubergines-tomates, etc. Un véritable régale qui participe grandement à garder l’équipage en forme et motivé !
Pour du poisson frais, l’Océan Atlantique et encore plus le Pacifique regorgent de poissons, et plutôt des gros ! Pour cela, il faut être un minimum équipé… notre belle ligne de traîne avec son joli rapala de toutes les couleurs, offerts par nos cousins Myriam et Stéphane, n’a malheureusement pas tenu le choc d’une grosse proie… la pêche fût donc loin d’être miraculeuse lors de notre transat’ ! Pour les pêcheurs les plus doués, le poisson peut être cuisiné et conservé en bocal, selon le même principe que la viande.
A défaut de manger du poisson frais, nous avons « pêché » un gros jambon fumé au magasin Carrefour de Las Palmas qui a le potentiel de nous donner de la bonne charcuterie « fraîche » pour plusieurs mois. La « bête » est suspendue et recouverte de linges régulièrement humidifiés. Ca marche et c’est bien appréciable !
Enfin, on mange aussi de la nourriture en boîtes de conserve… et là encore Françoise nous a gâtés avec tout un tas de produits de sa région natale, l’Aveyron : pâtés de lapin, de canard, foie gras, jambonneau, friton, etc… Bénédicte (sœur de Séverine) et Pascal contribuent aussi à nous réjouir l’estomac avec une variété de conserves à base de poisson, cette fois… qui se marient à merveille avec le pain frais que Nicolas nous pétrit régulièrement !
Alors sympa finalement la transat… la prochaine fois, vous embarquez avec nous ?!