Visite de Cuba – 20 à 30 mai 2008

LA HABANA

Rendez-vous était pris le 21 mai à la Havane pour débuter notre étonnante visite de Cuba. Françoise, Rose, respectivement maman et tante de Séverine, et Hubert, ami de longue date de Rose nous ont rejoint en avion. Un autre ami de Rose, Xavier sera notre guide ! Il habite la Havane depuis plus de 10 ans où il a travaillé comme Attaché culturel et à la coopération économique à l’Ambassade de France à Cuba. Il est en lien avec le pays depuis plus de 20 ans. Il continue aujourd’hui à organiser des manifestations culturelles et à promouvoir l’art Cubain à l’étranger. Il est passionné par ce pays, a rencontré 2 fois Fidel Castro, qu’il confirme comme étant très charismatique et presque « envoûtant ». Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une opinion critique sur un système qui laisse peu de liberté d’expression aux intellectuels et de facilité matérielle à la population Cubaine. Il se sait suivi et régulièrement mis sur écoute.

De gauche à droite : Françoise, Sév, Rose, Hubert, Yvan (ami Cubain de Xavier), Xavier… et Nico notre photographe (alors, cette nouvelle coupe de cheveux… Cubaine ?!)















C’est Xavier qui nous a organisé un périple… étonnant !

Commençons par la visite de La Havane !
San Cristobal de La Habana a été fondée en 1519
sur la côte nord-ouest de Cuba. Sa position stratégique à l’entrée du Golfe du Mexique, sur une côte balayée par le courant du Gulf Stream poussant vers le nord-est les caravelles chargées de trésors en partance pour l’Espagne, en fit pendant 2 siècles le port le plus important des Amériques, la « clef » du vaste empire colonial espagnol.
La ville est ainsi très étendue, la plus vaste des Caraïbes et d’une grande richesse architecturale. Le XVIIIème siècle voit le développement de ses échanges commerciaux avec l’Europe et l’installation de riches familles espagnoles : l’exportation de sucre, rhum, tabac et café. Le XIXème est une ère de progrès techniques constants (chemin de fer, éclairage au gaz, téléphone, transports urbains, électricité).
Au XXème siècle, le début de la Prohibition voit les Américains affluer en masse à La Havane, qui devient un lieu de corruption, prostitution, jeu et trafics.
Puis, la révolution de 1959 renvoie la mafia aux USA et ferme les casinos. Les efforts ayant été concentrés surtout dans les régions rurales, La Havane connaît un certain déclin que l’embargo américain et le retrait des aides soviétiques n’ont pas arrangé. Aujourd’hui, la ville s’attèle sérieusement à la rénovation de son cœur historique, malgré le manque de matières premières pour la reconstruction.

De cette histoire, nous retrouvons la trace au fur et à mesure de nos déambulations dans la capitale.
Trois quartiers principaux concentrent un attrait pour les touristes : La Habana Vieja, le Centro Habana et le Vedado.

Mais avant de commencer, comment se déplacer dans la capitale ? A pied, bien sûr… mais aussi, pour quelques pesos Cubains, en bus chinois, en autocar américain des années 50s, en bici-taxi ou en coco-taxi (c’est le plus marrant, on craint à chaque virage de se renverser et de rouler dans notre œuf jaune !). Il ne faut pas louper l’expérience de se faire véhiculer dans une superbe voiture Américaine ou une petite Lada russe, importée dans les années 70 ! La Havane est un vrai musée vivant de voitures de collection : 60 000 Chevrolet, Buick, Cadillac et Oldsmobile arpentent encore les rues cubaines. Dans les années 30s, La Havane avait un parc automobile supérieur aux villes européennes, qui n’a été que très peu remplacé depuis…










Elle roule toujours aussi la coccinelle !




Habana Vieja

Au XVIème siècle, ce sont les espagnols de Cadix qui ont donné sa structure à La Havane. Ils lui ont donné la même configuration géographique que la ville espagnole : dans la Habana Vieja, on trouve 4 places en Croix de Saint-André (2 religieuses, 2 laïques), autour desquelles les constructions urbaines se sont développées.


Xavier nous raconte et nous guide dans la Habana Vieja






On a débuté notre visite Plaza de Armas (laïque), très jolie place, aujourd’hui devenue un marché aux livres. Elle fut le siège du pouvoir à Cuba pendant 4 siècles. Au centre, la statue de marbre de Carlos Manuel de Cespedes, l’homme qui engagea Cuba sur le chemin de l’indépendance en 1868.













Le plus ancien château-fort colonial des Amériques, le Castillo de la Real Fuerza, bâti en 1557, pour se défendre des corsaires français de Jacques de Sores. Non loin, suite à l’attaque et l’occupation des Anglais en 1762, il sera complété par la construction d’une des plus grandes forteresses du Nouveau Monde, La Cabana, le « rempart des Indes ».
Les capitaines généraux espagnols résidèrent dans le château pendant 200 ans.














Puis, ils se firent construire un palais de l’autre côté de la place, le Palacio de los Capitanes Generales en 1776. Il servit de résidence aux gouverneurs espagnols, et de 1899 à 1902 aux militaires américains. Il fut palais présidentiel jusqu’en 1920. Dans la cour intérieure, on peut voir une statue de Christophe Colomb !







Enfin, sur cette même place ne manquez pas le magnifique Palacio de los Condes de Santovenia, datant de la fin du XVIIIème siècle, dernier style baroque, rénové par l’UNESCO et devenu le luxueux Hotel Santa Isabel (de la terrasse, une très belle vue !)







La Plaza Vieja (laïque) était un champ de ruine, avant que de grands travaux ne commencent dans le milieu des années 90s. Elle est bordée de belles arcades et monuments.





Nous sommes Plaza de la Catedral (religieuse)... et la nuit, l´atmosphère est particulière...

Sur la gauche, le très beau Palacio de Los Marques de Aguas Claras, datant de 1760, aujourd’hui un luxueux restaurant

Remarquez cette étonnante façade baroque, les jésuites commencèrent sa construction en 1748, une des plus anciennes des Amériques











Le dimanche matin, les Eglises sont loin d’être combles… la Révolution a interdit la pratique du culte catholique et protestant, et a privé l’Eglise de ses biens. 113 prêtres ont été fusillé, 1 500 se sont exilés et 5 000 ont continué à exercer chez eux, dans l’illégalité (mais sans être persécutés). Suite à la visite du Pape Jean-Paul II et à une négociation financière importante, Fidel Castro a restitué la moitié de ses biens à Rome, la liberté de culte et a transformé l’autre moitié en lieux culturels.

Sur la Plaza San Francisco de Asis (religieuse), l’Iglesia y Monasterio de San Francisco de Asis a été construite à partir de 1608 et est dotée du plus haut clocher de la ville. Elle accueille aujourd’hui des concerts et événements artistiques (biennales de l’architecture, etc.).







On y a entendu de jeunes et talentueux chanteurs de musique baroque, formés… en France !









Les 1ères maisons de la Havane sont en bois et peintes en jaune. Les maçons étaient andalous, les menuisiers canariens et les canalisations creusées comme à Cadix (certains s’amusent à dire qu’elles datent des greco-romains !). Puis, les riches marchands de sucre espagnols ont fait construire de magnifiques palais créoles. Les fastueuses années 20s ont aussi vu la construction d’hôtels et résidences luxueuses.





On dit que la Vieille Havane offre l’une des plus belles collections d’édifices urbains des Amériques. Elle abrite plus de 900 bâtiments historiques, représentant tous les courants architecturaux, du baroque à l’Art Déco. La Havane jolie, la Havane décrépie… Faute de moyens financiers et d’entretien, nombre de palais risquaient de s’effondrer… C’est ainsi que depuis 1982, La Habana Vieja est classée au Patrimoins mondial de l’UNESCO et reçoit des subventions. Le gouvernement a aussi pris en main l’avenir de sa capitale en déclin : il a donné carte blanche à un historien-architecte Eusobio LEAL pour sauver la Vieille Havane.




Quand il n’y a pas d’argent dans les caisses publiques, il faut être rusé et cette politique d’aménagement urbain se révèle l’être particulièrement… Ecoutez plutôt : elle est entièrement financée par des capitaux privés ou publics étrangers, tout en étant contrôlée par une entreprise publique ; elle dégage des bénéfices versés à l’Etat… qui reste propriétaire des splendides bâtiments ainsi rénovés ! Comment ? C’est l’entreprise publique Habaguanex qui dirige et coordonne les fonds étrangers. Certains palais sont transformés en hôtels et sont laissés en concession aux partenaires privés (qui n’en seront donc jamais propriétaires… c’est comme nos réseaux de distribution de gaz !).
Les activités d’Habaguanex ont généré plus de 160 millions de dollars de bénéfices annuels. Elles ont déjà permis de restaurer de nombreux édifices coloniaux. Rien à voir avec une pure opération immobilière : 45% des recettes sont réinvesties dans de nouveaux projets, 30% pour des programmes sociaux et 25% dans les caisses de l’Etat pour d’autres initiatives à La Havane.
Et ce n’est pas tout, il y a encore plus « sioux » ! Pour mes ex-camarades d’étude d’urbanisme que je salue, je complète un peu… Dans une démarche d’aménagement urbain plus globale qui n’oublie pas la vie de la Cité, le gouvernement impose que ces projets profitent aux 70 000 habitants de la Havane, d’un point de vue culturel et social. Ainsi, le porteur de projet délimite une « mansana » (entre l’îlot et le quartier, chez nous) qui doit accueillir un hôtel… mais aussi une école, un espace vert, un lieu socio-culturel, une maison de retraite et du logement (social). De plus, chaque bâtiment patrimonial rénové doit avoir une fonction culturelle pour les Havanais (musée, école d’art, lieu d’expositions, etc.), et chaque hôtel doit héberger une formation de musique classique. L’urbaniste Patricia Rodriguez en a ainsi conclu « Nous avons choisi d’œuvrer pour un centre historique vivant ».
Ca marche et suit son cours, 154 chantiers de rénovation sont en cours en 2008… et il reste encore fort à faire.



Les édifices religieux entrent aussi dans les projets de restauration. La Iglesia y Convento de Santa Clara, en travaux, est un très beau couvent du XVIIème siècle





Des patios de rêve, balcons en fer forgé et Azulejos



























Richesse extérieure, comme intérieure (la 3ème collection Lalique est à Cuba)



Centro Habana
Le Centre-ville de La Havane est très vivant.
Pour en profiter au mieux, il faut flâner de rue en rue, sentir l’ambiance, reprendre un peu d’oxygène dans ses nombreux parcs.
On peut commencer par la visite d’un bâtiment monumental : l’imposant Capitolio National est entièrement recouvert de marbre et l’un des plus riches édifices de La Havane. Commencé en 1929 par le dictateur Gerardo Machado, il coûta 17 millions de dollars et requis 5 000 ouvriers pendant 3 ans. Le Congrès Cubain y siégea jusqu’en 1959, avant de céder sa place à l’Académie cubaine des sciences (depuis députés et sénateurs n’existent plus…).



Le voici, sous ses meilleurs profils










Non loin, on peut aller contempler le Gran Teatro de la Habana, le plus ancien théâtre en activité du Nouveau Monde. Un magnifique bâtiment où le Ballet national de Cuba et l’Opéra d’Etat donnent des représentations. Il héberge aussi de nombreux cours de danse classique, vers 17H à la sortie de l’école, il n’est pas rare de voir de nombreux tutus blancs… futurs petits rats de l’Opéra !







Juste à côté, l’Hôtel Inglaterra est un des plus beaux de la Havane, il ne faut pas hésiter à rentrer pour admirer la luxueuse décoration… ou même écouter un petit concert, « gratuit » dans de nombreux hôtels du Centre ! Historiquement, il accueillit José Marti, qui y prononça en 1979 un discours en faveur de l’indépendance. Il est un grand poète et héros national Cubain. Il a fait de nombreuses déclarations publiques et écrit des pamphlets anti-colonialistes. Il a été arrêté et condamné à l’exil en Espagne. Après celle de 1878, il déclencha la 2nde guerre d’indépendance en 1895, où il fût tué. De son vivant, il se fit connaître grâce à ses essais en faveur d’une république laïque. Il y lançait des avertissements contre la menace que représentait, pour Cuba, l’impérialisme américain. Aujourd’hui, sa poésie est toujours très lue. Tout comme Simon Bolivar au Venezuela, des places, avenues, rues et de nombreuses statues ont été élevées à son effigie, dans tout le pays. En voici un exemple, au milieu du Parque Central !



A voir également non loin, Hôtel Sevilla (chouette snack-bar au bord de la piscine !) ou l’Hôtel Parque Central.

Toujours dans le même quartier, l’imposant Edificio Bacardi, terminé en 1929, est une réussite de l’architecture Art déco, chargée de somptueux détails. A l’intérieur, les luminaires et le dégradé de marbre valent le détour, ainsi que le panorama du haut du bâtiment.




Puis on emprunte le Paseo de Marti, dit le Prado, boulevard piétonnier bordé d’arbres très agréable, qui nous mène à la mer. Sa construction s’acheva en 1830 ; des lions (ressemblant à ceux de la Place Denfert-Rochereau à Paris ou à ceux de Belfort !) en bronze ont été rajoutés en 1928. Le long du Prado, quelques jolis édifices… et de magnifiques flamboyants en fleurs ! On peut aussi aller se prélasser sur le Malécon, digue qui longe la côte sur 8 Km.













En marchant un peu, on découvre le célèbre Hotel Nacional, bâti en 1930, par le dictateur Gerardo Machado, soutenu par les Etats-Unis. C’était un des lieux de rendez-vous des parrains de la mafia, tels que Lucky Luciano, Meyer Lansky… et le célèbre Al Capone. Franck Sinatra y donnait des concerts. La salle de restaurant est restée telle quelle, le grand luxe ! Le hall d’entrée carrelé, ses fauteuils immenses et son décor aristocratique donnent une atmosphère d’une autre époque. Au bar, de nombreuses photos ont été prises de célébrités de passage à Cuba, depuis un siècle. On y retrouve Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, plus récemment Danièle Mitterand.










A l’arrière de l’hôtel, on rejoint un magnifique parc qui borde la mer. On peut y déjeuner à un prix raisonnable : on mange le plat Cubain typique, poulet grillé, accompagné de « congri » (riz et haricots noirs épicés) ! Simple et bon !











D’autres visites ?
Le Museo Nacional de Bellas Artes, allez voir la Collecion de Arte Cubano, si vous êtes curieux de découvrir la grande créativité des peintres cubains du XVIème siècle à nos jours.
En face le Museo de la Revolucion relate la révolution cubaine entre histoire et propagande.
Et pourquoi pas une fabrique de cigares ?

Et tout simplement au hasard des rues, où l’authenticité et l’état des bâtiments sont à l’état brut : bonne ambiance en particulier dans la rue Obispo, très vivante et où il ne faut pas rater les glaces du n°58 ! Les Cubains s’y pressent, cela vaut le coup d’attendre qu’une place se libère pour déguster de savoureuses glaces, pour quelques pesos Cubains.





Des fonctionnaires sont payés pour animer les rues, au travers d’un petit défilé de carnaval !





De nombreux immeubles où habitent les havanais tiennent juste debout… A l’intérieur, les parties communes sont très dégradées et on imagine l’état des logements…













On croise aussi une drôle de faune ! Les enfants, aviez-vous déjà vu un tel paon ?









Le dimanche, en plein Centre, sur la place du Capitolio, on peut aller faire son marché en pesos Cubains. Camions et tracteurs déchargent leurs victuailles au pied du majestueux édifice…






Vedado
Vedado signifie « réserve forestière » et à l’époque coloniale, il était interdit d’abattre les arbres plantés dans ce périmètre. La communauté américaine de La Havane s’y installa après 1898, et en quelques décennies, le Vedado se couvrit de constructions. Le quartier est très agréable et résidentiel. C’est là que nous logions dans des casas particulares, c’est-à-dire, « chambre chez l’habitant ». Plus économique que l’hôtel et plus sympa pour rencontrer les Cubains quand on parle un peu espagnol.
Notre vous recommandons notre casa : Residencia Margy, Calle 21 n°1252 e/ 20 y 22, El Vedado, Tél. 830 2601. Margarita est une parfaite hôtesse, elle vous accueillera chaleureusement dans une magnifique maison coloniale et son joli petit jardin. Elle en est propriétaire et issue d’une riche famille Cubaine d’antan : impressionnante hauteur de plafonds, épaisseur des murs, vaisselle et meubles anciens, tableaux de famille, lustres de folie,… Ce qui nous fait dire que le régime de Fidel Castro a privé de nombreuses familles bourgeoises de leur business, mais pas de leurs logements (contrairement à l’ex-URSS qui avait saisi tous les biens matériels des classe aisées). C’est toujours un sujet de discorde entre les Cubains exilés et le gouvernement actuel, d’accord pour leur rétrocéder une partie de leurs biens immobiliers mais pas leurs entreprises.

Non loin, on peut aller se promener dans le quartier de Miramar, où sont situées toutes les ambassades.











L’Ambassade de France, celle d’Angleterre est la plus massive et retient l’attention !