Le Cap Vert – La Martinique, 2080 miles (30 décembre – 16 janvier)






Sur notre petite coque plastique, nous avons repris notre vie proche de la nature, où l’organisation de notre journée, notre humeur et l’avancée de notre projet dépendent du vent ! Théoriquement, les alizés sont bien établis au mois de janvier, particulièrement en partant du Cap Vert à une latitude de 16° Nord. En pratique, après 1000 premiers miles parcourus sur un rythme soutenu pour Emilie, la 2ème partie fût beaucoup plus laborieuse, tout simplement en panne de vent.
C’est quelque peu frustrant mais comme le dit un sage marin : «En mer, on sait quand on part mais on ne sait jamais quand on va arriver ».
La transat’ est tout d’abord une expérience humaine : apprécier dans la durée des journées qui se suivent et se ressemblent, dans un même décor, les mêmes équipiers, ou seul face à l’immensité de la mer. Ce n’est pas un exercice très naturel mais on arrive à y puiser une certaine tranquillité d’esprit quand ce dernier a l’habitude d’être encombré de mille vicissitudes.

La beauté de la nature...

La navigation est bien plus simple que celle qui doit être suivie de près par le skipper en Manche ou en Bretagne. Pas de calculs savants de marée, ni de cailloux à éviter. Juste bien régler ses voiles, optimiser cap et vitesse (quitte à s’écarter d’une vingtaine de degrés de la route directe), recueillir quelques fichiers météo pour ne pas être surpris par le mauvais temps.
En vent arrière, le génois est tangonné en ciseaux avec la grand voile, dotée d’une retenue de bôme. On a aussi essayé ginaker et génois en papillon, assez efficace quand la mer est calme.
La navigation au grand large permet l’utilisation « d’équipiers techniques », qui se révèlent très utiles, vu notre équipage réduit : notre précieux pilote automatique Furuno que nous utilisons de pair avec le moteur et le régulateur d’allure, qui a l’avantage de ne consommer aucune énergie. Il tient une allure plutôt qu’un cap et doit être contrôlé & réglé quand le vent tourne. Il a barré de très nombreuses heures à notre place, c’est vraiment notre copain ! En 17 jours, nous avons croisé 2 cargos et vu aucun bateau à voile… l’Océan est vaste !















Notre copain, le régulateur d'allure


Peu de présence humaine au bout de notre longue vue donc, mais une autre sorte de faune : pendant ces deux semaines, nous avons croisé des meutes de poissons volants. Ils filent à la surface de l’eau à une vitesse prodigieuse. La nuit, malheureusement pour eux, certains viennent s’échouer sur le pont du bateau, après un choc violent contre une voile, le taud ou tout ce qui peut s’élever invisible à leurs yeux dans l’obscurité. Quand on barre ou vient veiller, on a toujours la crainte de s’en prendre un en pleine tête… ils sont très rapides et certains atteignent la taille d’une bonne grosse sardine ! On dit qu’Eric Tabarly naviguait dans les alizés avec un casque intégral pour éviter un « accident de poisson-volant », sur un Pen Duick ou autre bateau certainement bien plus rapide qu’Emilie !

Les enfants, ces poissons sont comestibles mais on ne les mange pas car ils ne sont pas très bons et bourrés d'arrêtes. En plus, la plupart du temps, on les trouve morts et séchés par le soleil le lendemain matin, donc plus très frais.


Remarquez ces étranges ailes !

On a côtoyé aussi d'autres animaux au cours de cette traversée : à plus de 600 Km du Cap Vert, on a hébergé un oiseau qui semblait perdu et épuisé. On a tenté de le nourrir et de l’abreuver sans succès. Il a survécu et s’est envolé le lendemain matin. Il est toujours étonnant de voir des oiseaux jusqu’au milieu de l’Atlantique… quelle énergie et quelle autonomie ! Un autre passager clandestin s’est posé sur Emilie et a vécu 4 jours avec nous, on a eu le temps de le surnommer « Pouic Pouic ». Il semblait épuisé et vieux... Au début on le logeait dans le cockpit pour qu’il puisse repartir en mer quand il le souhaitait mais régulièrement, surtout la nuit, on le retrouvait sous l'escalier de la descente. On lui a posé une assiette avec de l'eau et du pain, auquel il ne touchait pas… Au 4ème jour, il retrouvait le paradis des oiseaux… et on s’est sentis « bêtes » et tout orphelins !







Pouic Pouic aux pattes palmées !





Le dernier jour de la traversée, l’excitation monte… et c’est à celui qui verra la Terre en premier… Nicolas, bien sûr, vue la myopie façon taupe de Séverine, malgré ses lentilles de contact ! Qu’il devient alors jouissif de barrer avec quelque chose à regarder devant soi !!
A notre arrivée, très bon accueil de l’équipe de la capitainerie du Marin, qui nous ont trouvé une petit place au ponton, où nous avons passé quelques jours nécessaires à la maintenance d’Emilie… puis direction Saint-Anne à la sortie du port pour un mouillage très agréable au beau milieu d’une eau claire et turquoise… On va peut-être commencer à vous faire rêver !








Le mouillage de Saint-Anne, petite station balnéaire




Après 4 jours de "bichonnage", tout va bien pour Emilie... dans une eau à 27° !




En face de nous, plages et cocotiers... et le Club Med !